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Novembre 2022
 

L'actualité commerciale vue par la CCI Paris IdF

Vers un commerce international dématérialisé au sein de l'Union européenne

 

Avec l’entrée en vigueur du Code des douanes de l’Union (CDU) le 1er mai 2016, la dématérialisation est devenue la règle dans l’UE. L’objectif étant d’ici le 31 décembre 2025, de digitaliser et d’harmoniser les douanes nationales afin d’aboutir au dédouanement centralisé européen. Pour ce faire, la dématérialisation complète de tous les échanges entre les douanes nationales et les entreprises ainsi que pour l’accomplissement des formalités douanières par les opérateurs du commerce international a été adoptée.

 

Une modernisation des services de la douane française est en cours afin de transposer le CDU dans ses outils informatiques. Depuis 2019, ce sont 90 % des opérations de dédouanement qui ont été dématérialisées et la douane française prévoit la mise en application d’une dizaine de services en ligne au total. Par exemple, le nouveau service de dédouanement DELTA I/E (import/export) remplacera progressivement l’ensemble des systèmes existants : DELTA G, ECS BC, DELTA X import et DELTA X export.

 

  • Cette dématérialisation de principe se traduit par la disparition notable du Document Administratif Unique (DAU).

Créé en 1987, le DAU sert de base à l’accomplissement des formalités douanières dans toute l’UE ainsi qu’en Suisse, en Norvège, au Liechtenstein et en Islande ; et constitue le document modèle de la déclaration en douane.

 

Il va toutefois disparaître courant 2023 au profit d’une nouvelle déclaration en douane qui sera émise comme un message électronique et qui sera basée sur une structure commune avec les autres types de déclarations et notifications dans chaque Etat membre (transit, dépôt temporaire, ENS, etc.).

 

Quels sont les changements ?

 

Chaque type de déclaration sera identifié par un code alphanumérique à deux caractères dont la liste figure dans l’Annexe B du règlement délégué 2015/2446. Par exemple, l’exportation ou la réexportation s’effectuera au moyen d’une déclaration de type B1.  

 

La déclaration en douane passera de deux à trois segments divisés entre les éléments de données exigés au niveau de la déclaration, au niveau du transfert de marchandises et au niveau de l’article de marchandise.

 

Les données seront obligatoires ou facultatives en fonction du type de déclaration ou de la marchandise. L’annexe B du règlement n°2015/2446 prévoit trois cas :

  • Les données obligatoires (symbole A), exigées par tous les Etats-membres ;
  • Les données qui pourront être obligatoires ou facultatives au choix des Etats-membres (symbole B). Ces derniers auront ainsi la possibilité de déterminer quelles données seront obligatoires. 
  • Les données facultatives pour les opérateurs (symbole C), ce qui signifie que les Etats-membres ne pourront pas exiger d’eux qu’ils les renseignent.

 

A noter : les opérateurs devront s’assurer d’avoir renseigné les informations obligatoires sous peine de voir leur déclaration en douane rejetée ou bloquée. 

 

En substance, la déclaration comportera environ 120 données regroupées par thématiques, alors que le DAU n’en contenait que 56.

 

Les différentes thématiques se présenteront en 10 groupes de données tels que :  

  • Groupe 13 sur les intervenants : expéditeur, destinataire, exportateur, importateur, représentant, titulaire du régime du transit, vendeur, acheteur, déclarant, transporteur, etc. ;
  • Groupe 14 sur l’évaluation et les impositions : conditions de livraison y compris le code Incoterm, détermination de la valeur en douane, de la valeur statistique, droits dus et modalités de paiement des droits, monnaie, etc. ;
  • Groupe 16 sur les lieux/pays/régions : Etat membre requis, pays d’expédition, d’exportation, de destination, lieu de chargement, déchargement, etc. ;
  • Groupe 17 relatif aux Bureaux de douane : bureau de douane d’exportation, de départ, de passage, de destination ;
  • Groupe 18 sur l’identification des marchandises : désignation des marchandises, conditionnement, code de marchandises (code de la sous-position du SH, code de la nomenclature combinée, code TARIC), quantité, description, etc. ;
  • Groupe 19 sur les informations relatives au transport : modes, moyens et équipements ;
  • Groupe 99 : autres éléments de données : données statistiques, garanties (type, référence, exclusions) et données tarifaires.

 

Si certaines informations renseignées restent identiques telles que le classement tarifaire, la façon de les renseigner sera néanmoins modifiée :

  • Certaines données vont être divisées comme le code Incoterm et le chiffre précisant le lieu de l’Incoterm (EXW1, CIF 3, etc.) ;
  • D’autres données seront modifiées comme la case 44 qui regroupait différents types d’informations et a vocation à être divisée en champs différents : mentions spéciales, documents joints, dispositions tarifaires particulières, codes additionnels nationaux, communautaires, etc.
  • Quelques données sont nouvelles comme la différenciation entre les notions d’acheteur et d’importateur et entre les notions de vendeur et d’exportateur.

 

En France, l’arrivée de la déclaration électronique se matérialisera via le système DELTA I/E. Le début de la phase pilote pour l’importation a été fixé à partir du 15 juillet 2023 avec une généralisation prévue pour septembre 2023. Quant à l’exportation, elle ne démarrera qu’un an plus tard, soit en juillet 2024.

 

A savoir : En raison des circonstances majeures et partiellement imprévues (pandémie de covid-19, Brexit et guerre en Ukraine), ayant une incidence significative sur les ressources des Etats membres et les développements informatiques en cours, certains Etats membres dont la France ont obtenu un report des délais dans la mise en œuvre des nouveaux services douaniers par la Commission européenne. 

Pour consulter les décisions de la Commission, cliquer ici

 

Pour aller plus loin : 

 

A LIRE AVANT D'AGIR

Allianz Trade et Team France Export 

Des cartes risques pays et risques sectoriels au service de votre stratégie - MAJ Décembre 2022

 

Allianz Trade et la Team France Export ont publié la version décembre 2022 des cartes qui évaluent les risques pays et risques sectoriels liés au développement à l’international.

 

L’évaluation du niveau global de risque pays se traduit par une Note Pays Structurelle, laquelle mesure le risque de transfert, de convertibilité, de confiscation, d’expropriation et la qualité de l’environnement des affaires. Cette note est la combinaison de l’évaluation des déséquilibres macroéconomiques, du cadre de vie des affaires et de la stabilité du système politique et l’efficacité du gouvernement.

 

Quant au risque sectoriel, il traite de la menace de non-paiement des créances commerciales dans 18 secteurs et 70 pays. La notation est mesurée sur une échelle de quatre niveaux (faible, moyen, sensible, élevé). Elle est le fruit d’une analyse croisée entre des données détenues par Allianz Trade et de sources publiques.

 

Pour consulter les cartes, cliquer ici

TRIBUNE : Un protectionnisme de tous les dangers
27/02/2023

En réponse à l'Inflation Reduction Act, certains Européens se rangent à l'idée d'un Buy European Act. Une réponse dont les effets pourraient être délétères sur l'économie européenne, préviennent Raphaël Chiappini et Yves Jégourel.


Le constat ne souffre d'aucune ambiguïté : l'Inflation Reduction Act américain est un protectionnisme déguisé. Face à cela, la volonté d'engager en Europe une même politique, celle d'un Buy European Act visant à protéger la compétitivité de ses industries en promouvant sa décarbonation, semble légitime.

 

Cette dynamique du « coup pour coup » pourrait pourtant avoir des effets délétères majeurs si elle venait à s'accentuer. Présenté le 1er février 2023, le plan industriel « Green Deal » ne saurait totalement rassurer à cet égard. Il réaffirme certes l'importance d'un commerce mondial libéré des entraves d'une concurrence faussée mais ouvre, dans le même temps, la voie au renforcement des aides et des garanties d'Etat sur les secteurs stratégiques des énergies renouvelables et des technologies « net zero ». Réaction salutaire pour répondre à l'urgence climatique ou acceptation politique que l'ère du libre-échange est définitivement révolue ? Les deux, probablement, tant l'Europe marche sur une ligne de crête.

 

Un problème pour la stabilité mondiale

 

L'affaiblissement du multilatéralisme n'est pas nouveau. Ce qui, en revanche, ne peut qu'interpeller est l'acceptation, par certains, de ce nouveau paradigme et le développement d'une pensée qui ferait des actions publiques contre la concurrence étrangère une solution politique et non un problème pour la stabilité mondiale. Est-ce à dire que l'offensive américaine ne doit appeler aucune réponse ? Que le libre-échange ne fut pas vecteur de profondes inégalités ? Que la « protection des industries naissantes » ne peut avoir de sens dans le contexte de la transition environnementale ? Assurément non, mais l'Europe ne peut non plus s'engager sur le terrain glissant des mesures préférentielles et en négliger les conséquences économiques et politiques.

 

Pour éviter cette tentation, peut-être faut-il en premier lieu circonstancier la stratégie américaine et rappeler que l'on ne peut totalement s'alarmer de la mise en œuvre d'une politique environnementale aussi ambitieuse et que c'est avant tout la concurrence chinoise qui menace les industriels européens. Bruxelles ne l'ignore pas, mais le timing particulier du plan industriel « Green Deal » résonne avant tout comme une réponse à Washington.

 

Que deviendra l'OMC ?

 

En deuxième lieu, alors que les Etats-Unis maîtrisent en partie l'avenir énergétique d' une Europe désormais dépendante de son gaz naturel , l'idée qu'elle puisse gagner une éventuelle guerre commerciale n'a guère de sens. Il ne peut y avoir de véritable performance industrielle sans une électricité bas carbone… et abordable ! Or, portant le poids de son aveuglement passé et en dissonance sur le nucléaire, l'Europe ne redeviendra pas maître de son destin dans ce domaine avant longtemps.

 

Il conviendrait, en troisième lieu, d'appréhender les conséquences d'une moindre concurrence sur les marchés européens que pourrait favoriser ce soutien public, alors même que les effets potentiellement inflationnistes de la transition environnementale doivent être considérés. De plus, l'idée que l'on puisse construire « européen » ou « américain » n'a qu'une portée limitée tant les matières premières nécessaires se situent en dehors de nos frontières. Enfin, on ne peut exclure qu'une réponse protectionniste de l'UE ne sonne le glas de l'OMC , augurant un avenir sombre en matière de commerce international.

 

L'Amérique latine, l'angle mort

 

Que faire ? Il n'y a nulle réponse évidente, mais on ne peut douter de l'intérêt pour l'Europe de repenser sa stratégie des accords commerciaux, délaissant l'antienne de « l'accès aux marchés » pour les adapter aux enjeux de la transition environnementale. Centré, comme souvent, sur l'idée de promouvoir de nouveaux accords de libre-échange, le plan européen peine pourtant à convaincre en raison d'un manque d'ambitions sur le volet international. Bien que complexe, une renégociation de l'accord commercial avec le Mercosur doit notamment être engagée dans le contexte de l'urgence climatique, tandis que le Chili doit devenir un partenaire privilégié de l'Europe . Une part importante des ressources minérales nécessaires à nos industries s'y trouvent et l'Amérique latine ne peut rester dans l'angle mort de notre diplomatie économique.

 

Il en va de même pour l'idée d'un « club des métaux critiques » que l'on applaudit dans ses visées collaboratives mais dont on ne perçoit guère les mécanismes opérationnels qui le sous-tendraient. Une chose apparaît certaine : l'avenir de l'industrie européenne se jouera largement en dehors de ses frontières. Si le plan de la Commission européenne peut satisfaire certains sur son volet intra-européen, ses ambitions « multilatéralistes » doivent donc être renforcées. En manque de souffle, Bruxelles ne peut, dans sa vision stratégique, se laisser enfermer dans la pensée des autres.

 

Raphaël Chiappini et Yves Jégourel

 

Les Echos, 9 février 2023.

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